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Biharko Eiheraberri
18 décembre 2013

2- Saccage

Saint-Jean-Pied-de-Port


Saccage des berges boisées


de Eyheraberry à Olhonce,


urbanisation du site

Dossier réalisé
par l’association Eiheraberri auzoa,
Donamaria etxea, 4 Olhuntzeko bidea,
Eiheraberri auzoa, 64220 Donibane Garazi,
http://eiheraberri.auzoa.over-blog.com
http://eiheraberribihar.canalblog.com

2013ko abenduaren 24an

 

EN novembre 2013, un très grand nombre d'arbres dont certains centenaires, ont été rasés tout le long de la Nive de Beherobie, au sud de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi que sur des terrains situés sur la commune de Çaro. Ils constituaient l'essentiel de la ripisylve qui se développe sur ce site, entre les dernières maisons du quartier d'Eiheraberri, le gouffre d'Olhonce et au-delà, le tout sur plus d'un kilomètre. Cette opération a été réalisée à l'initiative de la famille H., bien connue à Donibane Garazi et dont le «pouvoir foncier est important», il s’agit effectivement d’un des plus grands propriétaire foncier de la région (1). Les coupes de la ripisylve correspondraient à un très grand projet de lotissement appelé à s'étendre dans les années qui viennent sur les communes de Saint-Jean et Çaro. Le marché ne pouvant pas absorber d’un seul coup des dizaines de lots de terrains constructibles, l’opération se fera par tranches successives sur plusieurs décennies. Elle aboutira à une banlieue pavillonnaire de plusieurs kilomètres carrés.

Ripisylve 4 deux bords

Bi urbazterretan,  zuhaitzak moztuak dira  

Une bonne partie du bocage du futur lotissement est classée "zone inondable", selon les documents officiels consultés en mairie. L'endroit est en outre inscrit à "l'Inventaire des sites dont la conservation présente un intérêt général" (arrêté du 29 janvier 1944). La Nive et donc le quartier qui nous concerne, fait partie des sites désignés au titre du réseau Natura 2000. «Ce milieu humide est un site d’importance communautaire, en raison de ses potentialités à accueillir en particulier la faune piscicole et l’avifaune dont des espèces patrimoniales protégées (vison d’Europe, desman des Pyrénées, écrevisses à pattes blanches, cistude des Pyrénées)…», peut-on lire dans le document de l’enquête d’utilité publique du contournement de Saint-Jean-Pied-de-Port (déc. 2013). Nous faisons partie d'une ZNIEFF, Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (2) et sommes soumis à la Loi montagne (3). Autant de classements et de contraintes dont les instances décisionnaires ou de contrôle ont peu tenu compte ces dernières années. Mais il y a plus. Les différentes municipalités de Donibane Garazi n'ont pas cru bon de se doter d'un POS. Quant au futur PLU, il est toujours dans les limbes. Le PPRI, Plan de prévention du risque d'inondation (3), sur la commune de Saint-Jean est "en cours d"élaboration". Tout cela est très pratique pour laisser libre cours à diverses spéculations et autres dérives.

Nous nous alarmons aujourd’hui pour deux raisons :

  • L’importance de la ripisylve;
  • La disparition progressive des terres agricoles, les conséquences d'une urbanisation galopante.

1- L'importance de la ripisylve

Il s’agit de la forêt riveraine, ensemble de formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d’un cours d’eau. Elle constitue parfois sur la Nive une forêt galerie ou «corridor biologique» et joue un rôle écologique reconnu pour le maintien de la biodiversité.En 2004, lors des Journées du patrimoine organisées par la cité de Saint-Jean-Pied-de-Port, un document sur Eyheraberry nous signale la présence de quatre variétés rares de plantes endémiques qui sont protégées : la Trichomanes speciosum (fougère tropicale rare), la Soldanella villosa (primolacée endémique basque), la seule population spontanée du prunier du Portugal (Prunus lusitanica) et une très rare plante endémique, le géranium Eudressi.

Véritable filtre, la ripisylve protège la qualité de l’eau et d’une partie des zones humides du bassin versant, les berges et les sols riverains. L’association des systèmes racinaires des végétaux maintient souvent de manière optimale la terre des berges à toutes les échelles. Sa présence est essentielle pour ralentir l'onde de crue, contribuant à la rétention normale des sédiments. La ripisylve a d’importantes fonctions d’abri et de source de nourriture pour un grand nombre d’animaux (insectes, reptiles, oiseaux, mammifères, poissons crustacés, etc.) qui la colonisent ou en dépendent pour leur nourriture. Le système racinaire et les bactéries qui y sont associées jouent le rôle de pompe épuratrice pour certains polluants: phosphates et nitrates d'origine agricole ou urbaine, radionucléïdes, etc. Les fonctions écologiques et physiques des ripisylves sont désormais reconnues dans le monde entier, elles sont mieux protégées et parfois restaurées.

Il en va tout autrement dans notre quartier où la disparition de la ripisylve est désormais programmée. La continuité écologique du site est cassée. Mais il y a pire. On prête au propriétaire-lotisseur à l'origine des coupes actuelles, l'intention de développer l'enrochement de ses rives le long de la rivière. Certains enrochements existent déjà, là où l'érosion est la plus violente. Leur développement transformera la Nive en torrent, avec un déplacement et un accroissement des phénomènes d'érosion. Le lit de la Nive va s’enfoncer, elle s'écoulera non plus sur un fond de galets qui lui faisait perdre son énergie, mais directement sur la roche-mère. Sa vie biologique sera alors réduite à néant, les qualités physiques et biologiques du cours d’eau étant liées, comme nous l'a expliqué un technicien du Syndicat mixte du bassin versant de la Nive.

En 2009, notre association avait proposé à la municipalité la réalisation d'un sentier découverte ou d'un parcours botanique et faunistique reliant le pont d'Eyheraberry à celui d'Olhonce. Le site très peu connu et préservé du gouffre d'Olhonce, si riche d'histoires et de légendes basques (cf. les textes recueillis sur le blog eiheraberri.auzoa.over-blog.com), est pour nous emblématique de ce territoire. Les sinuosités de la rivière, la multiplicité des gouffres, les différents bras du cours d’eau, l’importance des embâcles, la densité et la largeur de la forêt-galerie, la présence d’une croix navarraise en pierre avec l’histoire qui l’accompagne et enfin le fait qu’il ait été très peu entretenu ou perturbé par les interventions humaines ou animales parce que clôturé, en font un endroit tout à fait exceptionnel. Sa pérennité est désormais largement compromise.

2- La disparition progressive des terres agricoles, les conséquences d'une urbanisation galopante

L'urbanisation générale de notre quartier est à l'ordre du jour. Nous avons connu un quartier à caractère rural, avec un habitat clairsemé au milieu du bocage, où les activités d'élevage et agricoles étaient importantes. Nous aurons demain une banlieue dévoratrice d'espace, qui aura repoussé et exclu agriculteurs et bergers. Ces questions sont aujourd'hui à l'ordre du jour en Pays Basque et font l'objet d'interrogations nombreuses et de débats publics. La disparition progressive des espaces agricoles, la pression foncière et la spéculation mettent en cause l'équilibre de notre territoire, l'avenir et la diversité de ses activités économiques, la préservation de la qualité de vie des habitants. L'étalement urbain affecte l'environnement et l'agriculture et induit le recours exclusif à l'usage de la voiture (5).

Engins

Tresna handiek beren lana egin dute 

Depuis quelques années, notre quartier est à son tour brutalement confronté à ces phénomènes.Peu importe qu'une bonne partie des terrains qui seront demain construits soient officiellement classés "en zone inondable". Peu importe que les sols de toute la partie basse du bassin versant soient particulièrement humides et entraînent des frais de travaux de drainage énormes, dont l'expérience prouve qu'ils sont à renouveler tous les dix ou quinze ans.

Nous nous sommes installés dans un quartier au cadre de vie préservé et champêtre. Demain, la construction de cinquante ou cent maisons supplémentaires changera la donne irrémédiablement. Aujourd'hui, il fait encore bon se promener à pied sur les allées et les chemins d'Eyheraberry ou d'Olhonce. Ils sont fréquentés par les enfants, les personnes âgées, notre quartier est un des parcours de promenade parmi les plus appréciés des habitants de Saint-Jean. L’office du tourisme l’a même inscrit dans son programme estival de visites guidées (6). Mais cela devient de plus en plus difficile, tant la densité et la vitesse de circulation des voitures et des camions augmentent au fil des mois. Les conflits d'usage des voies publiques entre piétons et véhicules motorisés se développent, demain ils monteront en puissance. Sommes-nous condamnés à subir le même sort que la RD 301 (route de Saint-Michel) qu’empruntent aujourd'hui, selon les chiffres officiels, 800 véhicules par jour? (7) Allons-nous à notre tour supporter les nuisances dont se plaignent amèrement les riverains de cette voie: le bruit répété et intense de la circulation, le stress, la pollution atmosphérique et les fameuses particules PM10 émanant des moteurs diesel dont on parle tant ces jours-ci ? (8)

 

Ripisylve 3 Heg et coupes

Heldu den etxe multzoan, enbor ainitz kentzeko prest

Nous avons interrogé un officier de gendarmerie sur les effets d'un élargissement des voies publiques. Sa réponse a été claire et nette: la première conséquence sera une accélération de la vitesse des véhicules. Donc davantage de bruit, de pollution et de nuisance. Pour limiter volontairement la vitesse de la circulation motorisée dans notre quartier, nous avons demandé début 2011 que les allées et les chemins d'Eyheraberry et d'Olhonce soient maintenus à la largeur actuelle, avec un système de chicanes pour permettre les croisements et nous réclamons que soient installés plusieurs ralentisseurs (dos d'âne). Nous avons présenté à la municipalité un dossier complet pour qu'elle classe l'ensemble de notre quartier en "zone de rencontre, zone de circulation apaisée", avec une vitesse des véhicules limités à 20 km/h, tel qu'il est défini par le Code de la route, décret 208-754 du 30 juillet 2008 (8). Pour toute réponse, la municipalité de Saint-Jean-Pied-de-Port s'est contentée d’installer trois panneaux de limitation de vitesse à 30 km/h.

Des communes prônent la protection du "réseau vert et bleu", le champ de la forêt et de l'agropastoralisme, celui des côtes et des cours d'eau. A Saint-Jean-Pied-de-Port, les appétits d'un petit nombre, auront-ils raison de tout? La situation dans d’autres départements où de graves inondations se sont produites en janvier 2014 éclaire notre situation. En Bretagne comme dans le sud-est de la France, l’artificialisation des sols se poursuit à une vitesse incontrôlée et ils deviennent de plus en plus imperméables. «Elle a de nombreuses conséquences environnementales, écrit le Commissariat général au développement durable. Elle favorise le ruissellement de l’eau le long des pentes au détriment de son infiltration, l’érosion des sols, les coulées d’eau boueuse et le risque d’inondation». Le sénateur Pierre Yves Collombat indique dans un rapport de 2012 : «Les autorisations de construire ont été délivrées sans véritable prise en considération du risque inondation ou, plus exactement, avec une prise en compte à éclipse bien incapable de contenir ’la soif de construire’ locale, pour reprendre l’expression de la Cour des comptes. Le manque de moyens des services de l’État et des services municipaux, s’agissant des petites collectivités territoriales, face à la ténacité et à l’ingéniosité des promoteurs et à la pression des propriétaires fonciers est un élément d’explication. La mise en place, autrefois d’un plan d’occupation des sols (POS), aujourd’hui d’un PLU, est l’exercice de politique locale le plus à risque, comme partout où la pression foncière est forte». Et pour ceux qui ne comprendraient pas tout à fait, le texte enfonce le clou : «Si l’écart entre la politique officielle de fermeté des pouvoirs publics et les moyens qui lui sont affectés explique pour partie que ’la soif de construire’ ait pu aussi facilement trouver à s’étancher, il n’explique pas l’origine de cette ’soif’. Que ce soit l’argent est si peu un secret qu’on s’étonne que le boom immobilier ait pu prospérer sans encombre aussi longtemps». Comme disait Bossuet, «ils feignent de s’affliger des conséquences tout en s’accommodant des causes»

Nos demandes

Elles s’adressent aux communes concernées et aux instances de décision et de contrôle ayant compétence sur ce territoire, ainsi qu'aux propriétaires des terrains. Elles sont au nombre de six.

1- Nous demandons la restauration et l'entretien raisonné de la ripisylve sur l'ensemble du site, depuis le pont de la Manutention jusqu'au village de Saint-Michel, ainsi que l’arrêt des enrochements sur les rives. Le but est la restauration de la forêt-galerie initiale.

2- Le maintien d'une activité d'élevage et agricole sur ce même site et donc de sa ruralité.

3- L'abandon des projets de lotissements et donc que certificats d'urbanisme et permis de construire ne soient plus accordés ou délivrés que de façon très sélective.

4- La création d'un sentier découverte ou d'un parcours botanique et faunistique allant du pont de la Manutention jusqu'au gouffre d'Olhonce.

5- Le maintien à leur largeur actuelle de toutes les voies existantes (allées et chemin d'Eyheraberry, chemin d'Olhonce, chemin de Larrenborda), avec installation de chicanes pour permettre le croisement, ainsi que de ralentisseurs.

6- Le classement du quartier "en aire piétonne, zone de rencontre, zone de circulation apaisée" avec une vitesse de circulation automobile limitée à 20 km/h, tel qu'il est défini par le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 (9).

*

Fortement attachés à la qualité de vie dans notre quartier, à la diversité de ses activités, à son patrimoine et à son histoire, nous sommes d’abord soucieux de léguer à nos enfants un cadre de vie où il sera possible de mener une existence agréable et équilibrée. C'est tout le sens des démarches actuelles et de l'action de notre association.

Batzuk Euskal Herria saltzen dute. Olerkari famatu batek, Gabriel Aresti, 1964an idatzi zuen: "Ene aitaren etxea defendituko dut". Eta guk Garazin, gaur erraiten dugu:  gure arbasoen lurra, gure  auzoa defendituko dugu.

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(1) La famille H. est coutumière de ce genre de coupe. Il y a trois ans environ, elle a acheté la maison de Léon Inchauspe située dans le prolongement du supermarché LIDL, à Uhart-Cize, limitrophe de Saint Jean Pied de Port. La prairie attenante descend jusqu’à la Nive. Sur ces terrains inondables, H. a totalement rasé l’importante ripisylve que s’y étendait, dont de très beaux sujets. Il n’a pas ensuite
obtenu de certificat d’urbanisme et a engagé un procès contre l’Etat.

(2) Nous sommes classés en ZNIEFF de type II, c'est-à-dire sur "un ensemble naturel riche et peu modifié qui offre de potentialité biologiques importantes". (Dossier de concertation de la déviation de l'agglomération de Saint-Jean-Pied-de-Port, Conseil général de Pyrénées-Atlantiques, octobre 2013).

(3) La loi du 9 janvier 1985 dite Loi montagne permet la maîtrise de l'urbanisation en zone montagnarde et stipule que les terres nécessaires au maintien et au développement agricole, doivent être préservées. La loi vise également à protéger les espaces et paysages caractéristiques du patrimoine naturel, culturel, montagnard et agricole.

(4) Les anciens du quartier évoquent des crues considérables où l'eau passait à moins de 50 centimètres au-dessus de la voûte du pont d'Eyheraberry.

(5) Cela fera sourire certains, mais pour nous, les déplacements quotidiens des brebis du seul berger du quartier et le tintement de leurs sonnailles, le braiement de l'âne de Larrenborda, le chant du coq, la présence de poneys, de vaches ou de chevaux qui paissent dans les prairies, les divagations de quelques poules s'ébattant parfois sur l'espace public, le chant des oiseaux au printemps, la présence de pêcheurs et celle d’un parcours école classé par l’association de pêche AAPPMA où la pêche est interdite, tout cela fait partie intégrante des qualités de notre lieu de vie ; et déjà remis en cause ou risque d’être condamné.

(6) Le Pôle touristique de la montagne basque" s'est réuni le 6 décembre à Ispoure (SO du 12 déc.). Son comité de pilotage a défini sa stratégie basée sur "un tourisme de qualité fondé sur l'identité basque et montagnarde, respectueux de son environnement naturel et culturel". Beau programme à mettre en oeuvre concrètement dans notre quartier.

(7) Certains d'entre nous, hier, l'ont emprunté à pied, elle constituait une agréable promenade jusqu'au château d'Olhonce et au village de Saint-Michel. Cela est devenu impossible aujourd'hui trop dangereux.

(8) La concentration de ces particules provoque allergies, maladies respiratoires et cardio-vasculaires. Les plus fines de ces particules pénètrent dans les ramifications les plus profondes des voies respiratoires et le sang, elles ont été classées cancérigènes par l'organisation mondiale de la Santé (OMS). Suite à un pic de pollution particulièrement élevé sur la France, les médias se sont fait largement l'écho de ces questions, durant la semaine du 8 au 14 décembre 2013. L'Union européenne évalue les effets de la pollution de l'air à 50.000 morts par an sur son territoire.

(9) Voir le document officiel présentant les aspects juridiques et techniques de ce type de mesure à "certu, zone de circulation apaisée, zone de rencontre" sur le site securite-routiere.gouv.fr

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Biharko Eiheraberri
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